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« Libération(s), dans la joie et la douleur », sur France 2 : les combats, les lâchetés et les déchirements d’une période complexe

FRANCE 2 – JEUDI 15 AOÛT À 21 H 10 – DOCUMENTAIRE
A la télévision, sur une chaîne nationale, la recette d’une série documentaire historique à succès, capable de rassembler plusieurs générations, est connue : il faut d’abord cibler un événement (guerre mondiale, par exemple) ou un personnage (Hitler, Staline) susceptibles d’intéresser un public relativement large. Il faut ensuite, condition nécessaire pour être programmé en début de soirée, coloriser autant que possible les archives filmées à disposition. Et enfin bien sélectionner les témoignages, ceux des disparus à travers la lecture de leurs écrits, mais aussi profiter des derniers témoins encore vivants pour les faire parler face caméra.
En cette année du 80e anniversaire de la Libération d’une grande partie de la France, rien d’étonnant à voir France 2 programmer Libération(s), dans la joie et la douleur, de Valérie Manns, ambitieux documentaire en trois épisodes d’une cinquantaine de minutes chacun. La chaîne a par ailleurs prévu un autre rendez-vous mémoriel, autour de la Libération de Paris, le 25 août. Suivant un classique déroulé chronologique, ce documentaire débute par les combats en Normandie de l’été 1944 pour se terminer par la reddition des dernières poches de résistance allemandes sur la façade atlantique, au printemps 1945.
Entre les deux, on aura vu des images de foules en liesse, des actes de terreur, des manifestations contre le manque de nourriture, des femmes tondues, des soldats épuisés, des enfants perdus, des retrouvailles émouvantes et parfois compliquées. Une France heureuse et soulagée, mais aussi déchirée et endeuillée. Au-delà des archives filmées parfois inédites et de l’intérêt des témoignages de personnalités (Line Renaud, Jean-François Kahn, Catherine Clément, Marie Chaix), de maquisards, de soldat de la 2e DB ou d’inconnus ayant vécu la Libération dans différentes régions, en ville comme à la campagne, l’intérêt majeur de ce programme est de ne pas éluder la complexité de cette période.
On n’a pas vécu la Libération de la même façon selon que l’on soit un habitant de Caen ayant tout perdu dans les bombardements alliés ou un Toulousain ayant assisté à l’arrivée de résistants communistes dans une ville qui a moins subi de destructions et de combats sanglants. Ou, bien entendu, que l’on soit enfant de résistant ou de collabo. Comme le souligne Valérie Manns, la réalisatrice : « Cette série est du point de vue des civils et évoque un enchaînement d’événements et de circonstances méconnus des Français. Une histoire de combats, de résistances, de lâchetés aussi, de règlements de comptes à chaque fois singuliers. Cette période complexe montre toutes les ambivalences, les ambiguïtés, les subtilités du kaléidoscope hexagonal, où une France heureuse a côtoyé une France martyre. »
La France est libérée, mais profondément meurtrie après cinq ans d’occupation. Il y a des villes en ruine, des villages martyrs, des règlements de comptes sordides, des déportés parfois accueillis avec stupéfaction. Il y a aussi une situation sociale tendue, qui, avec la faim toujours présente et la crise du logement, atténue la liesse générale et crispe les relations. Joie profonde pour beaucoup, traumatismes pour d’autres, privés de leurs biens ou ayant perdu des proches, la France libérée se dévoile ici dans sa diversité.
Libération(s), dans la joie et la douleur, de Valérie Manns (Fr., 2024, 3 × 52 min).
Alain Constant
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